Pugey, le 18 février 2007
Informé sur la météo du jour, je suis bien décidé à parfaire mon affûtage en réitérant la longue sortie faite la veille. Apparemment, le temps s’annonce des plus cléments en ce vendredi 16 février; si je pouvais cette fois éviter le vent et la grêle ou enfin oublier ces séances de hamster à faire du rouleau dans le salon, ça m’arrangerait!
Excité par la perspective d’une belle sortie hivernale, je me laisse réveiller dés l’aube par le chant des spatules crissant sur les vitres gelées de quelques voitures voisines. Un son qui n’est pas sans m’évoquer le mythique concert des «Magic-Platters» à la salle polyvalente de Dombasle-sur-Meurthe!
Après un petit déjeuner digne des anciens du vélo, me voilà, enfourchant ma monture en direction de Pontarlier. L’air est glacial mais les efforts d’un soleil particulièrement radieux augurent une véritable journée de plaisir. Il faudra que les gens de Pugey attendent encore un peu pour espérer apercevoir mon crane chauve!
Serré dans mes habits de circonstances, je sens dés les premiers tours de roues qu’il va falloir gérer la sortie. Le problème pour aller à Pontarlier est simple, ça monte!
3 heures d’effort, passant cette fois par Epeugney, Scey en Varais: où l’on peut voir briller la Loue, Ornans «la petite Venise», Vuillafans: village vigneron, également connu pour sa course de côte organisée chaque année, Lods: classé parmi les plus beaux villages de France, Mouthier-Hautepierre: premier village de la vallée de la Loue dominé par la roche du moine et la cascade de Syratu.
Les routes franc-comtoises sont à cette époque de l’année plutôt désertes…La magie des lieux n’en est que plus belle.
Je viens de couvrir mes premiers kilomètres lorsque je fais une halte, forcée par la curiosité. C’est entre Pugey et Epeugney que je stoppe pour ramasser un petit être poilu…Un ours!
Avait-il pu dériver sur un iceberg depuis le Pôle? Etait-ce un de ces ours lâchés dans les Pyrénées? Était-ce un grizzly attiré par la truite?
Peu probable. L’hypothèse la plus tangible restait celle de l’ours en peluche jeté par la fenêtre d’une voiture!
L’idée que la boule de poils fasse le trajet avec moi me traversa l’esprit…
Je reprends donc la route en compagnie de l’ours appelé « Jacques », bloqué entre mes câbles de dérailleurs et mon cintre de vélo.
La fripouille avait les pattes aussi gelées que les miennes et la moustache raide comme du crin, j’avais en tête un souvenir d’enfance qui me rappelait que j’avais bien fait de ramasser la bestiole.
Pour l’histoire, lorsque j’avais 4 ans je trimballais partout une peluche en forme d’ éléphant « ne répondant pas » au nom de (je vous le donne en mille): Babar. Doudou lâchement abandonnée par le p’tit john lorsque le moment fût venu (non non, je n’avais pas 18 ans!). Adulte, à la recherche de quelques objets de mon enfance, j’ai voulu le récupérer chez mes grand-parents. C’est alors que ma grand-mère Ginette m’a dit en bon lorrain: « Mmmmon, te voulais récupérer le Babar? Va voir dans l’grenier, ton grand père est en train de bassoter par là au d’ssus! ». C’est alors que j’ai fait un bien triste constat : mon Babar avait servi à reboucher un conduit de cheminée! Une triste fin. ( elle est bien peute celle là! )
Ce qui explique peut-être l’envie de rendre un peu de dignité à l’ours Jacques (qui ressemble en fait d’avantage à une souris-ours!). Je sais, l’idée est givrée. Je n’ai sans doute pas mis un assez gros bonnet pour la sortie!
L’œil noir de Jacques semblait en tous cas ne pas perdre une miette du chemin, scrutant la route avec une rare attention! A la pancarte de Mouthier-Hautepierre, la route s’élève franchement et nous fait découvrir les gorges de Nouailles, les S s’enchaînent alors à travers la roche. La température devient plus douce au fur et à mesure que nous nous approchons du sommet, en route vers le soleil! Cette surprenante douceur me donne en tous cas assez de feu dans les jambes pour avaler les derniers lacets à un bon rythme, Jacques commence à reprendre vie, ses bras, figés jusque là, balancent bien et ses yeux de perle s’illuminent.
J’arrive au sommet, et j’aperçois le clocher vernis de l’église de Saint-Gorgon, je suis bien, sur le plateau du Haut-Doubs.
Après quelques hectomètres effectués bien à droite sur la N57… juste le temps de me faire klaxonner à hauteur par un de ces automobilistes peu conscient de sa stupidité à serrer les cyclistes! Pfff! Tout ça pour doubler à tous prix, pour quelques secondes de gagnées…. Jacques jette un œil curieux dans le bas côté, sur ces bouteilles d’eau jaunies par l’activité rénale de routiers trop pressés et me demande si ces objets ont connus le même sort que lui. « Ben oui Jacques, mais ne compte pas sur moi pour les ramasser! »
Je quitte rapidement la folie routière pour emprunter une petite sinueuse, juste assez large pour un camion laitier, un billard qui me mène, par les prairies à lapiaz et les quelques fermes isolées, à la vallée du Saugeais. Un instant de rêve de maisons de pierres et de bois. La rivière Doubs me fait face au village d’Arçon, je vais la suivre un moment jusqu’à Pontarlier en roulant sur l’ancienne voie ferrée de Morteau-Montbenois aujourd’hui devenue piste cyclable.
Voilà, le village de Doubs m’apparaît, puis la ville de Pontarlier où Maman m’attend pour le repas de midi, un moment de réconfort avant d’attaquer le retour…Avec la mascotte évidemment!
Un retour en deux heures chrono sans grosse débauche d’effort, aidé par un vent favorable.
14 degrés au compteur et pas la moindre trace de neige à 850 mètres! Les seules traces blanches que j’ai pu voir sont celles d’un pauvre Border-Collier mort non loin d’une aire de repos, sans doute heurté par une voiture. Jacques me demanda alors si comme lui il avait été abandonné, je lui ai dit que oui, l’Homme pouvait être ainsi.
La route n’en fini plus de descendre et c’est comme animé par Maître Jacques auquel j’avais pensé à mon départ de Pugey, que je termine les 10 dernières bornes à bloc déposant au passage un gars du club de Saône dans la bosse de Cléron-Epeugney « Vengeance! ».
Il y a peu, une patiente en proie au délire, m’a dit qu’elle parlait avec son chat; rien de bien étonnant si ce n’est que celui-ci lui répondait! Je me demande bien ce que Jacques aurait pensé de cette sortie vélo…
Une fois la porte de mon appartement franchie, nul besoin d’échange avec mon chat pour savoir qui, avait fait tomber mon Cyfac® fraîchement rentré de l’usine pour vernissage! Rrrrrrrrrh, il y en a un que je mettrais bien en pension chez mamie Ginette!
C’est ainsi que s’achève l’une de mes sorties hivernales; je pense vous faire partager encore quelques lignes cyclistiques lors de ma première course de vélo de l’année ou lors du raid VTT des crapauds. Alors…
